Le Havre, Patrimoine mondial

La promenade de la plage, lieu de détente et d'activités sportives

L’analyse comparative

Pour obtenir cette reconnaissance de patrimoine unique, la ville du Havre a fait l’objet d’une analyse comparative. Confrontée à d’autres villes reconstruites à la même époque ou avec les mêmes matériaux, la ville du Havre s’affirme comme un modèle unique.

 

Une reconstruction moderne

L’analyse comparative présentée par le dossier de proposition d’inscription compare le bien avec plusieurs villes reconstruites comme Varsovie, inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial en 1980 qui s’est appuyée sur la volonté de recréer un patrimoine détruit. En 2005, la Liste du patrimoine mondial ne comportait aucun site reconstruit comme création moderne, et non comme restitution à l’identique d’un bien ancien.

Le Havre peut également être comparé à d’autres reconstructions d’après-guerre en Europe, parmi lesquelles Kassel, Freudenstadt ou Kiel mais la ville portuaire se distingue pour ses qualités particulières. En Russie, l’urbanisme de cette période (Stalingrad, Novgorod Velikyi, Minsk ou Kiev) reposait sur le « néo-classicisme » typique de l’époque Stalinienne, caractérisée par le principe de l’unité stylistique et de l’architecture basée sur les ordres classiques.

Forte intervention de l’Etat

Docomomo (groupe de travail pour la DOcumentation et la COnservation des bâtiments du MOuvement MOderne) considère le Havre comme le plus important exemple d’intervention de l’État dans la reconstruction des zones urbaines en France.Par exemple, la ville du Havre est fondamentalement différente des plans préparés par Le Corbusier pour Saint-Dié, une autre ville entièrement détruite pendant la guerre. Les projets comme Brasilia (bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1987) et Chandigarh sont des villes nouvelles, et non des reconstructions d’après-guerre.

Cohérence urbaine et qualité exceptionnelle de l’architecture

Aucun des autres sites reconstruits qui pourrait prétendre représenter ce groupe patrimonial, qu’il s’agisse de Caen, de Dunkerque, de Royan ou de Maubeuge en France, de Coventry en Angleterre, de Rotterdam aux Pays-Bas ou de Düren en Allemagne, ne cumule, comme Le Havre, la nouveauté des dispositifs urbanistiques employés, la cohérence du tissu urbain produit et la qualité exceptionnelle de l’architecture. Certains sites, comme Rotterdam, ont été profondément transformés lors des dernières décennies, si bien qu’ils n’offrent plus la garantie d’authenticité et d’intégrité. Si l’on compare le centre reconstruit du Havre aux autres manifestations de l’architecture et de l’urbanisme du XXème siècle déjà prises en compte sur la Liste du patrimoine mondial, on constate que les raisons qui ont milité en faveur de l’inscription du Havre diffèrent profondément de celles qui ont conduit au classement de ces sites modernes, qu’il s’agisse de Brasilia ou du Bauhaus. L’inscription de Brasilia en 1987 a introduit un bien culturel postérieur à 1945. Mais la situation historique du Havre n’a que peu de rapport avec celle d’une capitale créée ex nihilo, qui n’implique ni la mémoire des tissus disparus, ni le drame humain que représente la guerre.

Modernité et mémoire urbaine

La reconstruction du Havre tente de concilier l’urbanisme moderne et les traditions séculaires de l’urbanité. La production du nouveau tissu se fait ici en référence au territoire virtuel qui s’est constitué, quartier après quartier, au cours des quatre siècles qui ont précédé la destruction du centre de la ville en septembre 1944. La valeur universelle exceptionnelle de la reconstruction du Havre renvoie à un tout autre univers historique, qui implique, comme nous l’avons vu, d’autres théories architecturales, mais aussi la mémoire urbaine et la tragédie de la guerre. L’inscription du Bauhaus en 1996 a confirmé le caractère emblématique des sites de Weimar et de Dessau par rapport au Mouvement Moderne.

Classicisme structurel et béton

Le Classicisme structurel développé par Auguste Perret et son équipe, théorie et langage qui trouvent leurs origines dans les rationalismes néogothiques et néoclassiques du XIXème siècle, représente une voie originale de la modernité, très différente des diverses tendances du fonctionnalisme international.

Ce qui fonde aussi l’intérêt patrimonial exceptionnel du Havre, c’est la formulation par Auguste Perret d’un ordre spécifique au béton armé et la capacité de cet ordre à être décliné sous diverses formes à l’échelle d’un vaste territoire urbain. L’inscription de ce site sur la Liste du patrimoine mondial contribue à un changement radical d’attitude envers l’une des fractions les plus dévalorisées de l’héritage moderne, celle qui a été produite en Europe dans la seconde moitié du siècle dernier. L’inscription d’un tissu urbain issu de l’épopée de la Reconstruction est à l’image de toutes les considérations des institutions culturelles et associations qui luttent pour la sauvegarde du patrimoine du XXème siècle à l’échelle internationale.